Général Desfeuilles

— Pendant la guerre do 1870, il est à la tète d’une brigade d’infanterie (7e corps, commandé par Félix Douay). Le 106e_;_ de ligne, colonel de Vineuil, appartient à cette brigade. Très braillard, le général roule son gros corps sur ses courtes jambes, il a un teint fleuri de bon vivant que son peu de cervelle ne gêne; point [5]. Dans cette campagne, il sera comme tant d’autres chefs plus bêtes que méchants, ne sachant rien, ne prévoyant rien, n’ayant ni plan, ni idées, ni hasards heureux [110]. D’ailleurs, nul souci de la discipline : pour ne pas avoir à sévir, il ferme les yeux devant le pillage d’une ferme [90].

Soucieux de confort, quand le général prévoit une étape dure, il prend la précaution de déjeuner copieusement, en maugréant de la bousculade [27] ; maussade dans les journées de fatigue, faisant alors aux gens un accueil furieux [139], il retrouve sa bonne humeur dès qu’il peut s’installer commodément ; son premier soin, en arrivant à Sedan avec sa brigade exténuée, est de se fourrer entre de fins draps blancs, à l’hôtel de la Croix d’Or [180]. Pendant la marche vers la Meuse, le 24 août, il a parlé librement, en toute insouciance, devant un espion déguisé en valet de ferme, Goliath Steinberg; il l’a interrogé sur les routes à suivre, montrant une grande sérénité d’ignorance, croyant que la Meuse passe à Buzancy [104]. Cinq jours après, il n’accorde aucune foi aux renseignements du franc-tireur Sambuc, qui lui prédit la surprise de Beaumont; impossible à son avis que l’armée ait si près d’elle soixante mille ennemis, car on le saurait [140]. Plus tard, pour désigner la rivière qui traverse Sedan, comme il ignore si c’est la Meuse ou la Moselle, il dira : l’eau qui est là [237].

Mais tout soldat de cour qu’il soit, uniquement occupé de lui-même et n’ayant vu dans la guerre qu’un moyen rapide de passer général de division [247], il n’en trotte pas moins insouciamment, pendant la bataille, au milieu des projectiles. Entêté dans sa routine d’Afrique, n’ayant profité d’aucune leçon, il attend les Prussiens au corps à corps, alors qu’ils écrasent ses régiments à coups de canon [245]. Puis, pendant la déroute qui refoule l’infanterie dans Sedan, sa grosse figure colorée de bon vivant exprime l’exaspération où le jette le désastre qu’il regarde comme une malchance personnelle ; il court vers les débris de sa brigade, très capable de se faire tuer, dans sa colère contre ces batteries prussiennes qui balayent l’Empire et sa fortune d’officier aimé des Tuileries; par horreur pour la captivité, il voudrait avec cinquante bons bougres percer les lignes ennemies et filer en Belgique. Seulement puisqu’il ignore le chemin et que c’est trop tard, il va se coucher [363]; et après la capitulation, seul de tous les généraux, il prétexte de ses rhumatismes pour profiter de la clause qui fait les officiers libres, à la condition de s’engager par écrit à ne plus servir [433]. (La Débâcle.)