Camy-Lamotte

— Secrétaire général du ministère de la justice, personnage considérable, ayant la haute main sur le personnel, chargé des nominations. C’est un bel homme, parti de l’emploi de substitut, et que ses relations et sa femme ont fait nommer député et grand officier de la Légion d’honneur [101]. Il a une figure mince et sévère, que ses favoris grisonnants élargissent un peu, une élégance d’ancien beau, resté svelte, d’une distinction que l’on sent souriante, sous la raideur voulue de la tenue officielle. Il habite rue du Rocher, au coin de la rue de Naples. Familier des Tuileries, où sa fonction le fait mander presque journellement, tout aussi puissant que le ministre, employé à des besognes intimes, il a une insouciance expérimentée de toutes choses et veille uniquement au décor du régime qu’il sert [144].

En examinant les papiers du président Grandmorin, M. CamyLamotte a découvert l’identité des assassins, mais on s’irrite, on s’inquiète en haut lieu du scandale mené par l’opposition autour des basses débauches de la victime; le secrétaire général comprend que son devoir de haut fonctionnaire dévoué aux institutions est d’aplanir les difficultés politiques ; d’autre part, il a été gagné par la bravoure et le charme de Séverine Roubaud; la criminelle délicate, aux veux de pervenche, a plu à ce désabusé pour qui rien ne vaut la fatigue d’être juste. Aussi arrange-t-il l’affaire, achetant d’un ruban rouge et d’une, promesse d’avancement l’intelligent concours du juge d’instruction Denizet [397]. (La Bête humaine.)