Chanteau

— Né à Caen. Cousin de Quenu. Marié a Eugénie de La Vignière, institutrice rencontrée dans une famille amie. Il a un fils unique, Lazare. Chanteau a hérité du commerce de son père; niais, étant, peu actif, d’une prudence routinière, il vivote honnêtement sur des bénéfices certains et oppose l’inertie de sa nature aux volontés dominatrices de sa femme [11]. Il a souffert de la goutte dès l’âge de quarante ans. A cinquante ans, il cède pour cent mille francs sa maison au sieur Davoine, reçoit la moitié de, cette somme, reste commanditaire pour l’autre moitié et se retire à Bonneville ; il y avait acheté une maison deux ans auparavant, occasion pêchée dans la débâcle d’un débiteur insolvable [22]. Chanteau devient maire du pays [291. Il est court et ventru, teint coloré, gros yeux bleus à fleur de tète, cheveux blancs coupés ras. A la mort du cousin Quenu, il est désigné comme tuteur de la petite Pauline, qui possède cent cinquante mille francs, et dont la fortune va peu à peu s’émietter et s’engloutir, grâce aux manœuvres de madame Chanteau et aux folles entreprises de Lazare. Les ressources du ménage, déjà limitées, ont été fort diminuées par la déconfiture de Davoine [98]. Le goutteux Chanteau, cloué dans son fauteuil, assiste indifférent à la ruine de sa pupille. Gourmand, ne sachant résister à une tentation de table, il paye ses excès par de terribles crises qui révolutionnent la maison et ne trouvent de soulagement que dans les tendres soins de Pauline. L’égoïsme, la jouissance de vivre pour soi se développent chez Chanteau en même temps que son mal. Si les choses vont pour son plaisir, il les trouve bonnes [300]. Nul événement n’a de prise sur lui. Lorsque sa femme meurt et qu’on le prépare doucement à la terrible nouvelle, il se borne à se plaindre de ses jambes [240]. Dans le drame qui l’entoure, il chante la gaudriole [263]. Tombé enfin à l’ankylose complète, lamentable reste d’homme sans pieds ni mains, qu’il faut coucher et faire manger comme un enfant, il se révolte à la pensée d’un dîner compromis, d’une joie perdue [447]. Le suicide de la vieille servante Véronique lui inspire seulement ce cri exaspéré « Faut-il être bête pour se tuer ! » (La Joie de vivre.)

Jusqu’à la fin de sa vie, il est soigné par Pauline [129]. (Le Docteur Pascal.)