Dalichamp

— Médecin à Rancourt, à six kilomètres de Remilly. Homme court, à la grosse tête ronde, dont le collier de barbe et les cheveux grisonnent; sou visage coloré s’est durci, pareil à ceux des paysans, dans sa continuelle vie au grand air, toujours en marche pour le soulagement de quelque souffrance; ses yeux vifs, son nez têtu, ses lèvres bonnes disent clairement son existence entière de brave homme charitable, un peu braque parfois, médecin sans génie, dont une longue pratique a fait un excellent guérisseur [484]. S’intéressant aux enfants des malheureuses qu’il accouche, il a placé la petite SilvineMorangechez lepère Fouchard, pour la sauver de la débauche de l’usine.

Dès le milieu d’août 1870, il a installé une ambulance dans la grande salle de la mairie de Raucourt. Le 30 août, derrière le 7e corps, en marche vers la Meuse sous la canonnade ennemie, le docteur a vu arriver les Bavarois, des hommes noirs, petits, l’air sale, avec de grosses têtes vilaines, coiffées de casques pareils à ceux de nos pompiers ; il en a vu des milliers et des milliers, arrivant de partout en colonnes serrées, le pays en a été noir tout de suite, ces hommes marchaient depuis trois jours et venaient de battre le 5e corps à Beaumont. Affamés, ils se sont jetés dans les maisons, dans les boutiques, avalant n’importe quoi, ce qui leur tombait sous la main. Chez Dalichamp, l’un d’eux, un gros, mange tout le savon; un autre boit goulûment un litrede sirop d’opium qui le tue [168].

Durant l’occupation, le docteur soigne Jean Macquart chez le père Fouchard. D’un courage et d’une bonté extraordinaires, il a un cœur ardent de patriote, qui déborde de colère et de chagrin à chaque défaite ; c’est par lui qu’HenrietteWeiss et Jean savent les nouvelles extérieures, les grandes batailles héroïques sous Metz [493], puis la trahison de Bazaine [506], et enfin le réveil de la province, les armées sorties du sol dans l’indomptable volonté de lutter jusqu’au dernier sou et jusqu’à la dernière goutte de sang [508]. (La Débâcle.)