Rose Domergue

—A vingt ans, elle était maigre et laide, chétive comme une fille qui souffre de la crise de sa puberté. Mariée avec trente mille francs de dot à l’architecte Campardon, elle a été mère dès la première année, ses couches lui ont laissé une maladie incurable et elle a, dés lors, vécu dans une chasteté forcée. Lorsque sa fille Angèle a treize ans, Rose est devenue dodue, elle a un teint clair et reposé de nonne, avec des yeux tendres, des fossettes, un air de chatte gourmande [10]. C’est un épanouissement tardif de blonde indolente, dans une égoïste contemplation de soi-même. Elle consacre chaque jour de longues heures à sa toilette et, vêtue de soie, noyant sous des dentelles la délicatesse de son cou blanc, elle vit dans un luxe et une beauté d’idole sans sexe [226]. Elle a une bonne odeur fraîche de fruit d’automne. Maternelle avec son mari qui la berce de doux noms, satisfaite de sa part de caresses, elle a accepté les amours de Campardon et de Gasparine, puis elle exige que celle-ci vienne s’installer auprès d’elle et, dès lors, le ménage à trois prospère décemment, dans une paix bourgeoise. (Pot-Bouille.)