Paul Jordan

— Journaliste et homme de lettres. Mari de Marcelle Maugendre. Fils d’un banquier de Marseille qui s’est autrefois suicidé à la suite d’opérations désastreuses, il a battu dix ans le pavé de Paris, enragé de littérature, dans une lutte brave contre la misère noire. Il s’est marié avec une petite amie d’enfance, dont la famille, riche pourtant, a coupé tout subside pour ne pas aider un sans-le-sou; leur petit ménage est installé à au cinquième de l’avenue de Clichy, ils s’adorent. Jordan a un projet de roman, ne trouve pas le temps de l’écrire et est entré forcément dans le journalisme, où il bâcle tout ce qui concerne son état, depuis des chroniques jusqu’à des comptes rendus de tribunaux et même des faits divers [19].

Recommandé à Saccard par un cousin installé à Plassans, il devient rédacteur de l’Espérance, feuille catholique et financière où tout le monde, du directeur au garçon de bureau, le personnel entier, excepté Jordan, spécule à la Bourse, il reste dans une gêne atroce, ses appointements sont frappés d’arrêts à cause d’anciennes dettes, l’usurier Busch le persécute pour des billets souscrits à un tailleur, aux jours de misère ; c’est une lutte noire où Jordan, incapable de lutter contre les huissiers, est soutenu par la vaillance de sa jeune femme. Après la débâcle de la Banque Universelle, la chance tourne pour l’écrivain. Son premier roman, publié d’abord dans un journal, lancé ensuite par un éditeur, prend brusquement l’allure d’un gros succès, il se trouve riche de quelques milliers de francs, toutes les portes ouvertes devant lui désormais, et il brûle de se remettre au travail, certain de la fortune et de la gloire [387].

Il donne à Marcelle la joie de secourir ses parents, tombés dans la misère grâce aux folles opérations de Saccard, ce Saccard que le jeune ménage persiste à aimer, pour t’aide apportée aux jours mauvais [390]. (L’Argent.)