Catherine Maheu

— Deuxième enfant de Toussaint Maheu et de la Maheude. Hercheuse au Voreux. Fluette pour ses quinze ans, elle est rousse, elle a un visage blême, déjà gâté par les continuels lavages au savon noir, une bouche un peu grande, avec des dents superbes dans la pâleur chlorotique des gencives, de grosses lèvres d’un rosé pâle, de grands yeux d’une limpidité verdâtre d’eau de source [72]. Ses bras délicats sont d’une blancheur de lait, et ses pieds, habitués à courir dans la mine, sont bleuis, comme tatoués de charbon. Dans sa culotte de mineur, sa veste de toile et le béguin qui enserre son chignon, elle a l’air d’un petit homme, rien ne lui reste de son sexe qu’un dandinement léger des hanches [16]. Les promiscuités de la famille lui ont tout appris de l’homme et de la femme, mais elle est vierge de corps, et vierge enfant, retardée dans la maturité de son sexe par le milieu de mauvais air et de fatigue où elle vit [50]. Ses idées héréditaires de subordination et d’obéissance passive lui donnent une allure résignée et douée.

Elle trouve Étienne Lantier joli, avec son visage fin et ses moustaches noires, mais c’est Chaval qui la prend, sans qu’elle ait la volonté de résister; elle subit le mâle avant l’âge, avec cette soumission innée qui, dès l’enfance, culbute en plein vent les, filles de sa race [145]. Et désormais, elle obéit à Chaval, elle supporte ses coups; maintenant qu’elle a ce galant, elle aime encore mieux ne pas en changer [207]. Pourtant, c’est unie triste vie, Chaval n’a été bon pour elle qu’une seule fois, à la fosse Jean-Bart, Je jour où elle allait mourir, asphyxiéepar l’air mort du fond de la mine [348]. Hors ce court instant, elle n’a connu que sa jalousie brutale, ses colères mauvaises, son égoïsme de mâle qui se laisse nourrir par le gain de la femme; mais Chaval est son homme et, au jour de la bagarre, tille le défend, pardonnant les coups, oubliant la vie de misère, soulevée par l’idée qu’elle lui appartient, puisqu’il l’a prise et que c’est une honte pour elle, quand il subit des violences [381]. Son cœur va quand même vers Etienne, elle le sauve îles gendarmes [il4.], elle le sauve aussi du couteau de Chaval [408], et cependant il faut que ce dernier la chasse, la jette grelottante dans la rue, pour qu’elle se décide à partir, libérée du premier amant. Et c’est le lendemain, dans la secousse de l’abominable collision où son père a trouvé la mort, qu’elle devient femme; le flot de la puberté crève enfin, elle pourra maintenant faire des enfants que les gendarmes égorgeront [494]. Etienne la possède femme le premier, mais leurs tristes noces s’accomplissent au fond de la mine inondée, dans le désespoir de tout, dans la mort et, jusqu’au bout, la pitoyable Catherine est hantée par l’affreuse image de Chaval [573]. (Germinal.)