Marjolin

— Orphelin, a été trouvé sous les légumes au marché des Innocents, vers l’âge de trois ans, blond, gras, très heureux de vivre, mais si peu précoce qu’il bredouillait à peine quelques mots. Devient l’enfant des Halles, accroché aux jupes de l’une et de l’autre. Une belle fille rousse, qui vend des plantes officinales, l’a baptisé Marjolin. Lorsque la mère Chantemesse adopte Cadine, Marjolin se fait accepter aussi et les deux enfants grandissent ensemble. Il a deux ans de plus que la fillette, mais reste enfant très tard, n’ayant pas plus d’idée qu’un chou, ne sachant même pas faire une commission. L’industrieuse Cadine ne peut rien tirer du petit bonhomme, qui n’est bon qu’à crier: « Mouron pour les p’tits oiseaux». Il porte un grand gilet rouge qui lui descend jusqu’aux genoux, le gilet du défunt père Chantemesse, ancien cocher de fiacre [202].

Cadine et Marjolin s’épanouissent dans les Halles, grandissent et s’aiment librement comme de jeunes bêtes livrées à l’instinct. Après avoir tenté tous les menus métiers des Halles, Marjolin est recueilli par Gavard [75]. C’est maintenant un grand garçon d’une épaisseur et d’une douceur flamandes, fort comme un cheval, d’intelligence nulle, vivant par les sens. Il voue à Lisa Quenu une adoration silencieuse, arrive à la désirer follement et tente un jour de la violenter. Rudement repoussé, il tombe sur la tête et cette fracture du crâne fait de lui une brute complète. On l’occupe désormais à gaver et à tuer les pigeons dans le sous-sol du pavillon de la volaille, il est toujours chéri de sa fidèle Cadine qui le mange de petites caresses. (Le Ventre de Paris.)