Marcelle Maugendre

— Amie d’enfance de Paul Jordan et fiancée à lui au temps où il était riche, elle s’est entêtée à vouloir quand même l’épouser lorsqu’il est devenu pauvre [18]. Marcelle est une petite personne grasse et brune, elle a un clair visage aux yeux rieurs, à la bouche saine, et qui exprime le bonheur, même aux heures difficiles [191]. Elle a une bravoure souriante, l’air décidé, très pratique dans son désir de rendre heureux son cher mari, son poète, qui travaille tant. Le rêve de sa vie est de le rendre riche un jour, d’être, comme en un conte de fées, la bonne magicienne qui met des trésors aux pieds du prince ruiné, pour l’aider à conquérir le monde. En attendant, c’est la grande gêne ; les quatre meubles d’acajou dont Marcelle est fière, dans ses deux étroites pièces, si ensoleillées, de l’avenue de Clichy, sont menacés par l’usurier Busch [299], et ce n’est pas Jordan qui sauvera la situation, car ces questions d’argent le paralysent. Alors, pleine de vaillance, la jeune femme va essuyer les rebuffades de ses parents, ces Maugendre qui, autrefois, auraient tout dépensé pour lui faire des cadeaux et, aujourd’hui, ne se soucient plus de rien, hors des opérations de Bourse. Energique et adroite, elle lutte bravement avec les huissiers, elle sait se tirer d’affaire, elle ose, devant son mari, intéresser le grand patron Saccard aux malheurs du jeune ménage, et tout est sauvé [310]. Mais le conte de fées ne se réalisera pas. Le trésor des Maugendre a été englouti dans le gouffre de l’Universelle et il semble à Marcelle qu’elle ne sera plus, avec sa famille, qu’un obstacle pour son Paul. Elle lui a apporté sa jeunesse, sa tendresse, sa belle humeur, pas une princesse au monde ne pourrait donner davantage, un enfant viendra bientôt, et, gentiment, elle croit que son mari ne lui doit rien [388]. (L’Argent.)