Paul Négrel

— Fils de madame Négrel. Sorti de l’école polytechnique dans un mauvais rang, il a donné sa démission sur le conseil de son oncle Hennebeau, directeur général des mines de Montsou, et il a été attaché au Voreux comme ingénieur. Les ouvriers l’appellent le petit Négrel. C’est un garçon de vingt-six ans, mince et joli, avec des cheveux frisés et des moustaches brunes; son nez pointu, ses yeux vifs, lui donnent un air de furet aimable, d’une intelligence sceptique, qui se change en une autorité cassante avec son personnel. Il se prétend républicain, ce qui ne l’empêche pas de conduire les ouvriers avec une rigueur extrême, et de les plaisanter finement, en compagnie des daines [234]. Vêtu comme eux dans la mine, barbouillé comme eux de charbon, il montre un courage à se casser les os, il les réduit au respect en passant par tes endroits les plus difficiles, toujours le premier dans les éboulements et dans les coups de grisou [56].

Chez son oncle, il est traité en enfant de la maison; il y a sa chambre, y mange, y vit, ce qui lui permet d’envoyer à sa mère la moitié de ses appointements de trois mille francs [226]. Il se laisse rapidement séduire par sa tante, une maîtresse maternelle et avisée, qui le récompenserait par un beau mariage avec Cécile Grégoire, si celle-ci n’était étranglée avant la noce par Bonnemort. Malgré son ironique insouciance des hommes et des choses, le jeune ingénieur se sent blêmir, pendant la grève, devant la marche furieuse des mineurs; c’est la vision rouge de la révolution, il est saisi là d’une épouvante supérieure à sa volonté, une de ces épouvantes qui soufflent de l’inconnu [393]. Un peu plus tard, lors du terrible attentat de Souvarine, il est glacé d’horreur à la pensée de l’homme qui, froidement, a voulu et consommé la destruction du Voreux [528]. Enfin, dans la recherche des victimes, il oublie son scepticisme, il est pris d’une fièvre de dévouement qui, après la réussite, le jette au cou d’un ouvrier sauvé par lui, le révolté Etienne Lantier, tous deux sanglotant à gros sanglots, dans le bouleversement profond de toute l’humanité qui est en eux [577]. (Germinal.)