Sapin

— Sergent au 106e; de ligne (compagnie Beaudoin). Homme menu et pincé, aux grands yeux vagues, à la voix grêle. Fils de petits épiciers de Lyon. Gâté par sa mère qu’il a perdue, n’ayant pu s’entendre avec son père, il est resté au régiment, dégoûté de tout, sans vouloir se laisser racheter. Puis, pendant un congé, il s’est mis d’accord avec une de ses cousines, se reprenant à l’existence, faisant l’heureux projet de tenir un commerce, grâce aux quelques sous que la demoiselle doit apporter. Il a de l’instruction, l’écriture, l’orthographe, le calcul; depuis un an, il ne vit plus que pour la joie de cet avenir. Mais, dès l’arrivée à Sedan, il a lu son malheur à l’horizon de cette ville inconnue [179], il est sûr d’être tué le lendemain. Et le 1er septembre, sur le plateau de l’Algérie, plein de son idée fixe, répétant d’un air calme qu’il va être tué, le sergent Sapin a le ventre ouvert par un obus qu’il a vu venir trop tard, pour l’éviter; il dit simplement : « Ah voilà ! » et sa petite figure, aux grands yeux bleus, n’est que profondément triste, sans terreur [248]. (La Débâcle.)