Goliath Steinberg

— Engagé en 1867, comme garçon de ferme, chez le père Fouchard, à Remilly. C’est un grand bon enfant, aux petits cheveux blonds, à la large face rose toujours souriante. Il est le camarade d’Honoré Fouchard. Quand celui-ci, désespéré de ne pouvoir épouser Silvine Morange, s’engage et part pour l’Afrique, Goliath devient l’amant de Silvine, sans la forcer d’ailleurs, mettant seulement à profit une minute d’inconscience. Silvine enceinte, il a promis le mariage, reculant la formalité jusqu’à la naissance du petit, puis, brusquement, au septième mois de la grossesse, il a disparu, un raconte qu’il est allé servir dans d’autres fermes, du côté de Beaumont et de Baucourt. C’est un de ces espions dont l’Allemagne a peuplé nos provinces de l’Est [96].

Au début de la campagne, rôdant autour du 7e corps, près de Mulhouse, il est simplement expulsé du camp, ses papiers se trouvant sans doute en règle [7]. Pendant la marche vers Montmédy, se disant Alsacien emporté dans la débâcle de Frœschwilter, il est entré au service d’un fermier, à Contreuve, et il écoute les imprudents commentaires du général Bourgain-Desfeuilles[89]; Goliath est un des émissaires qui liront connaître au grand état-major allemand la marche exacte de l’armée de Châlons et suggérèrent ainsi le changement de front de la IIIe armée [98] ; quelques jours plus tard, dans les bois de Dieulet, il guide les Bavarois qui vont surprendre le 5e corps [522]. Enfin, pendant l’occupation, il possède, à la commandature de Sedan, une situation indéterminée, parcourant de nouveau 1es villages, comme chargé de dénoncer les uns, de taxer les autres, de veiller an bon fonctionnement des réquisitions dont on écrase les habitants [517].

Grand, large, le visage toujours gai, avec ses gros yeux bleus qui luisent d’un éclat de faïence, l’ancien garçon de ferme est velu d’une sorte de capote en gros drap bleu, coiffé d’une casquette de même étoffe, l’air cossu et coulent de lui; il parle sans accent, avec la lourdeur empâtée des gens du pays [523]. Très raisonnable, très conciliant, il s’étonne de la haine sourde, du mépris épouvanté qu’on lui témoigne a Remilly; il trouve tout simple que chacun serve sa pairie comme il l’entend. Et comme Goliath aime toujours Silvine et veut la posséder encore, il croit vaincre sa résistance en la menaçant d’emmener le petit Chariot en Allemagne; il parle de représailles [528]. Cette imprudence le livre aux francs-tireurs, à Guillaume Sambuc, Cabasse et Ducat; les trois hommes le prennent au piège et, après un simulacre de jugement, sous l’œil terrifié de Silvine complice, le saignent comme un porc, dans la ferme du père Fouchard [538]. (La Débâcle.)