Comte Xavier De Vandeuvres

— Le dernier d’une grande race, féminin et spirituel. C’est, un homme fluet, très soigné, d’une rare distinction. Rien n’apaise ses appétits; son écurie de courses, une des plus célèbres de Paris, lui coûte un argent fou; ses pertes au Cercle Impérial se chiffrent chaque mois par un nombre de louis inquiétant; ses maîtresses lui dévorent bon an mal an une ferme et quelques arpents de terre ou de forêts, tout un lambeau de ses vastes domaines de Picardie [70]. Et il achève sa fortune avec Nana. C’est un coup de fièvre chaude, il a comme une hâte de tout balayer, jusqu’aux décombres de la vieille tour bâtie par un Vandeuvres sous Philippe-Auguste, trouvant beau de laisser les derniers besants d’or de son blason aux mains de cette fille, que Paris désire [345].

A la veille de la ruine, le comte devient nerveux, avec un pli cassé de la bouche et de vacillantes lueurs au fond de ses yeux clairs; mais il garde une hauteur aristocratique, la fine élégance de sa race appauvrie ; et ce n’est encore par moments, qu’un court vertige tournant sous ce crâne vidé par le jeu et les femmes [370]. Il joue sa dernière carte au Grand Prix; si ses chevaux ne gagnent pas, s’ils lui emportent encore les sommes considérables pariées sur eux, c’est un désastre, un écroulement [400]. Le comte de Vandeuvres ne résiste pas à la tentation du coup suprême qui peut le sauver : faire de son cheval Lusignan le grand favori et, sous mains, jouer sur sa pouliche Nana, systématiquement dépréciée depuis deux ans et dont personne ne veut. L’affaire réussit, c’est un gain de douze cent mille francs. Mais Vandeuvres a tout gâté par une plate bêtise, une négligence qui prouve bien sa fêlure, l’oubli d’avertir le bookmaker Maréchal [419]. Exclu des champs de courses, exécuté le soir même au Cercle impérial, le comte, qui depuis longtemps rêvait une fin retentissante, se fait flamber dans son écurie, avec ses chevaux [420]. (Nana.)