Théophile Venot

— Un ancien avoué qui a eu la spécialité des procès ecclésiastiques et a fait sa fortune en servant les Jésuites. Il s’est retiré avec de belles rentes et mène une existence assez mystérieuse, reçu partout, salué très bas, même un peu craint, comme s’il représentait une grande force, une force occulte qu’on sent derrière lui. C’est un petit homme de soixante ans, avec des dents mauvaises et un sourire fin. Il se montre très humble, est marguillier à la Madeleine et a simplement accepté, pour occuper ses loisirs, une situation d’adjoint à la mairie du neuvième arrondissement [76] ; mais avec sa mine douée et grasse, c’est un terrible monsieur, qui trempe dans tous les tripotages de la prêtraille [209]. Installé chez les Muffat comme chez lui, écoutant tout le monde, ne lâchant pas une parole, souriant toujours, il surveille les événements, ayant l’unique souci de les faire tourner à la gloire du ciel.

Quand il voit le comte Muffat sur la pente du vice qui va le ruiner et l’avilir, monsieur Venot ne sourit plus, il a le visage terreux, des yeux d’acier clairs et aigus [93]. Il prodigue à Muffat les meilleurs arguments contre les tentations de la chair, puis feint de s’incliner devant la volonté de Dieu, qui, dit-il religieusement, prend tous les chemins pour assurer son triomphe [220]. Avec la conscience très nette de son impuissance, il accepte tout, la passion enragée du comte pour Nana, la présence de Fauchery près de la comtesse, même le mariage d’Estelle et de Daguenet. Plus la situation s’aggrave, plus il devient souple et mystérieux, nourrissant l’idée de s’emparer du jeune ménage comme du ménage désuni, sachant bien que les grands désordres jettent aux grandes dévotions [443]. Pour rapprocher le comte et sa femme, il n’hésite pas à mettre Nana dans son jeu, il la supplie de rendre le bonheur à une famille [381], il se fait tolérer chez elle afin de surveiller Muffat [476], et enfin, quand tout semble perdu, quand la honte et la ruine accablent le comte, il le sauve du scandale elle console par un retour définitif aux pratiques religieuses. (Nana.)