Coupeau

— Né en 1824 à Paris, 22, rue de la Goutte-d’Or [53]. Fils de maman Coupeau, frère de madame Lerat et de madame Lorilleux. Mari de Gervaise Macquart. Père d’Anna Coupeau, dite Nana. Ouvrier zingueur. A vingt-six ans, c’est un garçon très propre, à la mâchoire inférieure saillante, au nez légèrement écrasé, il a de beaux yeux marrons, la face d’un chien joyeux et bon enfant. Sa grosse chevelure frisée se tient tout. debout. [40]. De caractère faible, tremblant devant les Lorilleux, il vit sans se soucier de l’avenir, il a une drôlerie gouailleuse d’ouvrier parisien, c’est un bon sujet, très sobre, on le surnomme Cadet-Cassis parce qu’il prend généralement du cassis, quand les camarades le mènent de force chez le marchand de vin [52]. Son père, ouvrier zingueur comme lui, s’est écrabouillé la tête un jour de ribotte en tombant de la gouttière du n° 25 de la rue Coquenard et ce souvenir rend sage toute la famille [48].

Coupeau habite à l’hôtel Boncœur. II y rencontre Gervaise Macquart, qui vient d’être abandonnée par Lantier; il en ferait bien sa maîtresse, mais comme elle refuse, il l’épouse. Le ménage travaille courageusement pendant quatre ans, le mari ne se dérangeant pas, rapportant ses quinzaines [140]; une fille est venue, Anna ; on a mis six cents francs de côté, Gervaise va s’établir, lorsqu’un malheur survient [146] : Coupeau tombe du toit d’une maison de trois étages, rue de la Nation. Sa convalescence dure quatre longs mois ; la paresse l’a envahi, il a même refusé d’apprendre à lire pendant les interminables journées où il restait étendu, à ne rien faire. Très vexé de sa chute, il s’indigne contre cet accident qui n’aurait pas dû arriver à un homme à jeun [153], il a une rancune sourde contre le travail, trouve une joie à ne rien faire, va blaguer les camarades au chantier et se met à boire.

Gervaise a pu s’établir en empruntant de l’argent. Coupeau ne travaille plus que par à-coups; il a commencé par ne prendre que du vin, il rentre éméché, puis les cuites s’accentuent, il vil dans un perpétuel mal de cheveux qui lui enlève toute énergie et le lient altéré, rôdant chez tous les marchands de vin du quartier [192]. Les Lorilleux ont repris sur lui leur ancienne influence et désunissent sournoisement le ménage. Coupeau ne se gêne plus ; du vin il passe à l’eau-de-vie, il devient un fidèle client du père Colombe; ce sont maintenant des ivresses blanches. La boisson l’a rendu tout à fait coulant sur le chapitre de la fidélité conjugale; il a ramené Lantier chez lui, l’a réconcilié avec Gervaise et ce sont des noces à tout casser entre les deux hommes, une promiscuité où Coupeau achève de perdre toute dignité. Il ne touche plus aux outils, mange beaucoup, prospère dans l’alcool, il a engraissé, sa face d’ivrogne se culotte, ses cheveux maintenant poivre et sel, en coup de vent, flambent en brûlot, il lui faut sa pâtée matin et soir, il ne s’inquiète pas d’où elle lui tombe.

Coupeau assiste indifférent à la lente déchéance de sa femme; il a pleuré comme un veau devant sa mère morte [378], mais rien ne peut plus le corriger, les ravages de l’alcool s’accentuent, il lui faut une chopine d’eau-de-vie par jour, son teint se plombe, ses mains se mettent à trembler. On l’a transporté à Lariboisière, pour une fluxion de poitrine ; on est obligé de l’envoyer à Sainte-Anne, il a le délire. Sept fois en trois ans, il subit cet internement chez les fous, ne sortant que pour voir Gervaise de plus en plus avachie, l’habituant à boire, la poussant à la prostitution, provoquant par ses grossièretés la fuite de Nana. C’est le relâchement complet, l’anéantissement de la famille. A cette époque, le poison achève son œuvre. Le corps du malheureux, imbibé d’alcool, commence à se ratatiner. Les joues creuses, les yeux dégoûtants, l’ancien zingueur passe courbé, vacillant, vieux comme les rues. Il est devenu sourd d’une oreille en quelques jours, sa vue baisse, puis ce sont des paralysies partielles [500]. Agé de quarante-quatre ans, Coupeau finit par mourir à l’asile Sainte-Anne, dans un dernier accès de folie alcoolique [566].

(l) Coupeau, ouvrier, de famille alcoolique, marié en 1852 à Gervaise Macquart. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)