— Mari de Laure Fouan, père d’Estelle Vaucogne. Ancien tenancier de maison publique. Il vivotait dans un petit café de la rue d’Angoulême, à Châteaudun, lorsqu’il a épousé Laure Fouan. Hantés par le désir d’une fortune rapide, les époux sont allés à Chartres et, après avoir tâté de plusieurs commerces, ont eu l’heureuse idée d’acheter un établissement de la rue aux Juifs, tombé en déconfiture par suite de mauvaise gestion. Grâce au bras d’acier de M. Charles et à l’extraordinaire activité de sa femme, le 19 s’est rapidement relevé de ses ruines. En moins de vingt-cinq années, les Badeuil ont économisé trois cent mille francs. Ils ont alors voulu contenter le rêve de leur vie, une vieillesse idyllique en pleine nature, avec des arbres, des fleurs, des oiseaux, et, comme Laure Fouan aspirait à finir ses jours au pays natal, ils se sont fixés à Rognes, dans la charmante propriété de Roseblanche, véritable oasis de la Beauce pouilleuse, folie d’un riche bourgeois de Cloyes, qu’ils ont acquise à un prix dérisoire. M. Charles est un bel homme de soixante-cinq ans, rasé, aux lourdes paupières sur des yeux éteints, à la face correcte, grasse et jaune de magistrat retiré. Chez lui, on le trouve avec des chaussons fourrés et une calotte ecclésiastique qu’il porte dignement. Il a un grand souci des bonnes manières, s’indigne contre le relâchement des mœurs dans les campagnes et montre la plus grande sévérité à l’égard de ses bonnes. Tout le pays respecte les Badeuil, qui ne sont ni des fainéants ni des bêtes, puisqu’ils ont su mettre de côté douze mille francs de rente; les paysans de la famille, à genoux devant l’argent, sont extrêmement flattés de serrer la main que M. Charles leur tend avec condescendance. Et les anciens tenanciers du 19 vivent là, dans un bonheur absolu, qu’ils considèrent comme lu récompense légitime de leurs trente années de travail, tourmentés seulement du sort de la maison de Chartres, qui périclite aux mains de l’incapable, Vaucogne, mari d’Estelle. (La Terre.)