Alice de Beauvilliers

— Fille du comte. Ressemble à sa mère, moins l’aristocratique noblesse. Chétive, le cou allongé jusqu’à la disgrâce, n’ayant plus que le charme pitoyable d’une fin de grande race, elle est, à vingt-cinq ans, si appauvrie qu’on la prendrait pour une fillette, sans le teint gâté et les traits déjà tirés du visage. Avec son air d’insignifiance mélancolique, elle n’est point sotte, elle aspire ardemment à la vie, à un homme qui l’aimerait, à du bonheur, mais ne voulant pas désoler sa mère, elle feint d’avoir renoncé à tout. Pour aider au train de maison réduit à un décor extérieur, elle peint des aquarelles bâclées à la douzaine et vendues en cachette. Et cette vierge, qu’émacie l’attente vaine du mariage, retrouve soudain une jeunesse dans l’affolement de la Banque Universelle, elle s’anime, elle est vibrante devant le droit qui s’ouvre pour elle d’avoir un mari et des enfants, cette joie que se permet la dernière pauvresse des rues.

Mais un terrible lendemain anéantira son rêve. À l’heure de la débâcle financière qui va achever la ruine des Beauvilliers, on enfant naturel de Saccard, Victor, recueilli à l’Œuvre du Travail, souille la malheureuse enfant avec une brutalité immonde. Et, dans les yeux de folle d’Alice, on lit la mortelle douleur de son dernier orgueil, sa virginité violentée. (L’Argent.)