Bourdoncle

— Un des intéressés du Bonheur des Dames. Jeune homme grand et maigre, aux lèvres minces, au nez pointu, très correct d’ailleurs, avec ses cheveux lisses, où des mèches grises se montrent déjà. C’est le fils d’un fermier pauvre des environs de Limoges. Il a débuté jadis au Bonheur en même temps qu’Octave Mouret. Très intelligent, très actif, il semblait devoir supplanter aisément son camarade, moins sérieux, mais il n’apportait pas le coup de génie de ce Provençal passionné. Par un instinct d’homme sage, il s’est incliné devant lui, obéissant, et cela, sans lutte, dès le commencement. Un des premiers, il a suivi le conseil de Mouret en mettant de l’argent dans la maison, et peu à peu il est devenu un des lieutenants du patron, le plus cher et le plus écouté ; parmi les intéressés, c’est lui qui est chargé de la surveillance générale [38]. Mouret, qui tient à sa réputation d’homme aimable, lui confie volontiers les exécutions ; au temps de la morte-saison, Bourdoncle est célèbre par ses « passez à la caisse », qui tombent comme un coup de hache et déciment les rayons [185].

Très différent du maître, il fait profession de haïr les femmes, ayant au dehors des rencontres dont il ne parle pas, tant elles tiennent peu de place dans sa vie, et se contentant au magasin d’exploiter les clientes, avec un grand mépris pour leur frivolité à se ruiner en chiffons imbéciles. Net, logique, sans passion, sans chute possible, il ne comprend pas le côté fille du succès, Paris se donnant dans un baiser, au plus hardi [40]. Les femmes se vengeront en la personne du Denise Baudu, qu’il a toujours persécutée et qui saura triompher par la seule vertu de sa douceur et de sa grâce, inspirant ainsi à l’impitoyable Bourdoncle la terreur sacrée de la femme [425].