— Second fils du père Fouan. Frère de Jésus-Christ et de Fanny Delhomme. Cousin et mari de Lise Mouche. Père de Jules et de Laure. Chez lui, le grand nez des Fouan s’est aplati, tandis que le bas de la figure, les maxillaires s’avancent en mâchoire puissante de carnassier. Les tempes fuient, tout le haut de la tête se resserre, et, derrière le rire gaillard de ses yeux gris, il y a, dès sa jeunesse, de la ruse et de la violence. Il tient de son père le désir brutal, l’entêtement dans la possession, aggravés par l’avarice étroite de la mère [18]. Vif et gai avec les camarades, il est féroce au marché, têtu, insolent, menteur, voleur à vendre les choses trois fois leur prix et à se faire donner tout pour rien. Il doit le surnom de Buteau à sa mauvaise tête, continuellement en révolte, s’obstinant dans des idées à lui qui ne sont pas celles de tout le monde. Même gamin, il n’a pu s’entendre avec ses parents. Plus tard, après avoir tiré un bon numéro, il s’est sauvé de chez eux pour se louer d’abord à la Borderie, où il a connu Jean Macquart, ensuite à la Chamade.
C’est un vrai terrien, ne connaissant qu’Orléans et Chartres, n’ayant rien vu au delà du plat horizon de la Beauce. Il tire un orgueil d’avoir ainsi poussé dans sa terre, il a les obstinations bornées d’un être attaché au sol. Quand le père Fouan fait le partage des biens, Buteau refuse violemment sa part, se prétendant volé, et il conserve cette attitude hostile pendant plus de deux ans, vivant dans une rage faite de désir et de rancune, ne cédant enfin que lorsque la création d’un chemin donne à son lot une grande plus-value. Amant de sa cousine Lise, il l’avait laissée là, le ventre gros, dans son égoïsme de mâle brutal, et il ne consent à l’épouser que beaucoup plus tard, quand Lise, héritière du père Mouche, est devenue un bon parti. C’est alors l’ivresse de la terre conquise, c’est une grande passion satisfaite [194].
Buteau n’a qu’un amour, la terre. Quand la terre souffre, il est d’humeur exécrable et il redevient gentil, conciliant et goguenard si la récolle s’annonce bien. Voulant du blé qui rapporte, mais pas de mioches qui coûtent, il est furieux des grossesses de sa femme. Avare, il a des colères devant les contributions à payer, se révoltant contre le percepteur, dans une haine séculaire contre ces feignants de bourgeois [331]. Il marchande la rente du père Fouan et, dans une crise de rapacité, bouscule si rudement sa mère qu’elle tombe pour ne plus se relever. Mais un danger le menace, la moitié du bien des Mouche appartient à Françoise, la jeune sœur de Lise ; l’idée d’un partage est insupportable à Buteau, rien ne l’ar-rêtera pbur conserver tout l’héritage. Il voudra d’abord coucher avec la jeune fille, combinaison qui arrangerait tout car il posséderait les deux femmes et la totalité du bien. Devant un projet de mariage qui ruine ses espérances, il devient enragé. Puis, sa belle-sœur mariée à Jean Macquart, le désir du mâle, né d’une longue poursuite infructueuse, s’exaspère en lui, il projette confusément des violences, des assassinats que la terreur des gendarmes l’empêche seule de commettre [385]. Enfin, la grossesse de Françoise achève de l’affoler, car l’enfant qui vient abolirait définitivement l’espoir tenace qu’il nourrit de rentrer en possession du bien. Et désormais Buteau est mûr pour le crime. D’accord avec sa femme, il viole Françoise que Lise précipite ensuite sur une pointe de faux. Et ils héritent d’elle. Et ils chassent le mari dépouillé. Et comme le père Fouan, pourtant déchu et déprimé, a vu le meurtre, ils le tuent, lui aussi. Et, devant la terre reconquise par le sang, toute la chair de Buteau se met à trembler de joie, comme au retour d’une femme désirée et qu’on a cru perdue [480.] (La Terre.)