Colomban

— Premier commis du Vieil Elbeuf, originaire de Rambouillet, comme les Hauchecorne, avec qui il a un cousinage éloigné. C’est un gros garçon de vingt-cinq ans, lourd et madré; sa face honnête, à la grande bouche molle, a des yeux de ruse. Depuis dix ans, il trime dans la boutique et a gagné ses grades rondement, passant par les différentes étapes, petit commis, vendeur appointé, admis enfin aux continences et aux plaisirs de la famille, le tout patiemment, dans une vie d’horloge. Baudu l’a élevé à la bonne école du commerce, il sait de quelle façon lente et sûre on arrive aux finesses. aux roueries du métier; fart n’est pas de vendre beaucoup, mais de vendre cher [26].

Dès son entrée dans la maison, Colomban a compté sur son mariage avec Geneviève Baudu; il la regarde comme une affaire excellente et honnête; la certitude de l’avoir l’empêche de la désirer [16]. Et, fixé à son comptoir obscur, il vit en extase devant un rayon du Bonheur des Dames, il brûle d’amour pour Clara Prunaire, ne se doutant même pas de la torture que subit Geneviève. A mesure que le Vieil Elbeuf sombre dans la faillite, la passion de Colomban s’exaspère, muette et sournoise, le détachant chaque jour de sa fiancée, de Baudu, de tout le vieux commerce, où on l’a élevé. Lorsque la malfaisante Clara s’amuse à satisfaire son amour, il ne dit rien aux Baudu, devient le chien obéissant de cette fille et, après une lettre d’adieu, faite avec des phrases soignées d’homme qui se suicide, il disparaît, mêlant son amour d’un calcul avisé, ravi au fond de renoncer à un mariage désastreux [435].