Daigremont

— Spéculateur très connu, l’homme heureux de tous les syndicats [83]. Agé déjà de quarante-cinq ans, luttant contre l’embonpoint, il est de haute taille, très élégant avec sa coiffure soignée, ne portant que la moustache et la barbiche, en fanatique des Tuileries. Affecte une grande amabilité, d’une confiance absolue en lui, certain de vaincre. Habite rue La Rochefoucauld un des derniers grands hôtels du quartier. Il mène un train princier, aussi glorieux de son écurie de courses que de sa galerie de tableaux; il appartient à l’un des grands clubs, affiche les femmes les plus coûteuses, a loge à l’Opéra, chaise à l’hôtel Drouot et petit banc dans les lieux louches à la mode. Son luxe flambant dans une apothéose de caprice et d’art est uniquement payé par la spéculation [100]. On dît que Daigremont n’est pas très sûr, qu’il abandonne volontiers ses amis et qu’un engagement de lui n’est jamais définitif; on conte à son sujet des histoires extraordinaires, surtout celle de l’Hadamantine [109], mais comme il a l’appui d’une fortune colossale, toutes les affaires viennent s’offrir. C’est grâce à son concours qu’Aristide Saccard a pu fonder la Banque Universelle. Daigremont sait s’attribuer de grosses primes dans l’affaire [110], il marche longtemps avec Saccard, restant charmant, l’invitant à ses fêtes, signant tout sans observations, avec sa bonne grâce de Parisien sceptique qui trouve que tout va bien, tant qu’il gagne [273], mais il garde son indépendance absolue et, au jour précis du danger, malgré une promesse formelle, il abandonne brusquement la bataille [358], sans un geste pour sauver d’une défaite décisive la Banque Universelle. (L’Argent.)