— N’a jamais eu de chance; chez lui, on le battait; à Paris, il a toujours été un souffre-douleur. C’est un grand- garçon blême et dégingandé. Après avoir débuté chez Crèvecœur, marchand de dentelles, il a été accepté comme vendeur au Bonheur des Dames, le jour même où Denise Baudu y entrait. Un lien s’est créé entre eux par la fraternité de leur situation, par leur naissance en un même coin de Normandie, et la sympathie d’Henri Deloche s’est vite transformée en un amour silencieux et résigné, auquel Denise n’a pu répondre que par une amitié loyale. Les meilleures intentions du jeune homme le trahissent; en défendant Denise contre les abominations de Favier, il crée une légende contre elle; par ses conversations mélancoliques dans les coins, il achève de la compromettre. Et le ridicule le poursuit partout; au réfectoire, on se moque de son appétit excessif; au rayon, il reste un vendeur déprécié, éternellement vaincu dans la lutte. Une cliente, madame de Boves, soustrait des dentelles, et c’est à lui qu’elle s’est adressée, devinant sa timidité et son manque de flair. Malgré Denise qui voudrait le sauver, il accepte le renvoi, s’obstinant dans sa malchance, tenant à disparaître .devant le bonheur de celle qu’il aime toujours, ne voulant pas gêner les gens heureux [519].