— Fille d’un conseiller d’Etat. A été mariée à un homme de Bourse, qui utilisait la précieuse amitié du financier Hartmann. Henriette a été reconnaissante au baron, du vivant même de Desforges et, lorsqu’elle est devenue veuve, la liaison a continué mais toujours discrètement, sans une imprudence, sans un éclat. Jamais madame Desforges ne s’affiche, on la reçoit partout dans la haute bourgeoisie où elle est née. Même lorsque la passion du banquier ne lui suffit plus, et que le baron se borne paternellement à commanditer ses amis, elle apporte dans ses coups de cœur une mesure et un tact si délicats, une science du monde si adroitement appliquée, que les apparences restent sauves et que personne ne se permettrait de mettre tout haut son honnêteté en doute.
C’est une brune un peu forte, avec de grands yeux jaloux, très élégante. Elle habite rue de Rivoli, au coin de la rue d’Alger, et reçoit beaucoup. Goûtant un plaisir de veuve à marier les gens, il lui arrive, après avoir pourvu les filles, de laisser les pères choisir des amies dans sa société, cela naturellement, en toute bonne grâce, sans que le monde y trouve jamais matière à scandale [82]. C’est dans son salon qu’est née la liaison de madame Guibal avec le comte de Boves. Madame Desforges est la maîtresse d’Octave Mouret; elle s’est donnée à lui, comme emportée dans le brusque amour dont il l’attaquait ; elle l’adore avec la violence d’une femme de trente-cinq ans déjà, qui n’en avoue que vingt-neuf, désespérée de le sentir plus jeune, tremblant de le perdre. Une indiscrétion de Bouthemont la rend jalouse de Denise Baudu, elle s’aveugle au point de vouloir ramener Octave en humiliant la jeune fille, mais, prise à son propre piège, il ne lui reste, pour tirer vengeance, qu’à faire commanditer Bouthemont par Hartmann, comme Hartmann avait déjà commandité Mouret [393].