Gaude

— Clairon au 106e de ligne, compagnie Beaudoin. Grand garçon, maigre et douloureux, sans un poil de barbe, toujours muet, soufflant ses sonneries d’une baleine de tempête [8]. Le ler septembre, pendant la défense de l’Ermitage, au-dessus du Fond de Givonne, tout en sachant que sa compagnie est anéantie, que pas un homme ne peut venir à son appel, il empoigne son clairon, l’embouche, sonne au ralliement, d’une telle violence qu’il semble vouloir faire dresser les morts. Cet homme, qui a eu des chagrins dont il ne parle jamais, est pris d’une folie héroïque. Les Prussiens arrivent, il ne bouge pas, soufflant plus fort, à toute fanfare. Une volée de balles finit par l’abattre, son dernier souffle s’envoie en une note de cuivre, qui emplit le ciel d’un frisson [875]. (La Débâcle.)