— Curé de Bazoches-le-Doyen. Dessert l’ancienne paroisse de Rognes qui, plus importante autrefois et réduite aujourd’hui à une population de trois cents habitants à peine, n’a pas de curé depuis des années. Il fait chaque dimanche à pied les trois kilomètres qui séparent les deux communes. Gros et court, la nuque rouge, il. a une face apoplectique où la graisse a noyé le petit nez camard et les petits yeux gris. Sa tête est embroussaillée d’épais cheveux roux grisonnants [47]. L’éloquence est son côté faible ; au prône, les mots ne viennent pas, ce qui explique pourquoi monseigneur l’oublie depuis vingt-cinq ans dans sa petite cure [52].
A Rognes, l’abbé Godard s’en tient à son devoir strict; de perpétuels scandales le découragent, aucune procession n’a lieu sans qu’une fille de la Vierge soit enceinte, le conseil municipal laisse tomber l’église en ruine, l’abbé se heurte à la parfaite indifférence de ses ouailles, qui ne craignent plus son Dieu de colère et de châtiment, rient à l’idée du diable et ont cessé de croire le vent, la grêle, la tempête aux mains d’un maître vengeur [343]. Aussi ne décolère-t-il pas, surtout après l’échec de l’abbé Madeline, venu d’Auvergne pour tenir la cure, et tué par l’irréligion des paysans.
Mais le terrible grognon, toujours emporté dans un mouvement de violence, a beau être sûr que les damnés de Rognes iront rôtir en enfer, il ne veut pas les laisser trop souffrir dans cette vie [512]. Il a la passion des misérables, leur donnant tout, son argent, son linge, ses habits, à ce point qu’on ne trouverait pas en Beauce un prêtre ayant une soutane plus rouge et plus reprisée [54]. (La Terre.)