Jeanne Grandjean

—Fille de Grandjean et d’Hélène Mouret. Née en 1842. Petite-fille d’Ursule Macquart, morte tout d’un coup d’une phtisie aiguë après une vie d’affolements et de crises nerveuses, arrière-petite-fille d’Adélaïde Fouque, enfermée dans une maison d’aliénés. Est atteinte d’une de ces affections chloro-anémiques qui favorisent le développement de tant de maladies cruelles [207]. Les convulsions de sa première enfance reparaissent à onze ans et demi. C’est une enfant délicate, au fin visage d’un ovale adorable, un peu allongé, d’une grâce et d’une finesse de chèvre. Elle a de grandes paupières bleuâtres et transparentes, un nez mince, une bouche un peu grande, des cheveux d’un noir d’encre [11]. Tellement nerveuse qu’il a fallu renoncer à lui apprendre la musique, rendue folle par l’éther, adorant se balancer, mais s’évanouissant dans la sensation du vide, atteinte d’une terrible crise après les émotions d’un mois de Marie rempli de fleurs et d’encens, elle anime quelquefois la maison d’une joie bruyante, puis tout à coup elle a des noirs, des accès de colère aveugle. Par moments, cette enfant de onze ans a des regards où luit toute la vie de passion d’une femme.

Elle aime sa mère avec une jalousie d’amoureuse instinctive, qui la fait sangloter quand madame Grandjean caresse une autre enfant, elle veut l’avoir toute à elle, n’acceptant aucune affection rivale. D’abord amie de Rambaud, elle se fâche aussitôt qu’elle devine son projet de mariage, elle le prend en horreur, rapproche même sa mère du docteur Deberle, les veut toujours ensemble [181], puis, dès qu’elle surprend leur amour, c’est une saute brusque, sa haine va vers Deberle, elle subit un martyre d’adoration trompée, la névrose dont elle souffre lui donne une seconde vue. A l’heure où sa mère cède à Henri, elle se juge abandonnée à jamais et, s’entêtant sous une pluie froide, elle contracte la phtisie aiguë qui va l’enlever en trois semaines. C’est une agonie fermée, une mort silencieuse et haineuse, sans pardon. Jeanne Grandjean meurt en 1855 et restera seule là-haut, sous les cyprès du muet cimetière de Passy, devant te Paris éternel. (Une Page d’Amour.)

(l) Jeanne Grandjean, née en 1842; meurt en 1855, à la suite d’accidents nerveux. [Hérédité en retour, sautant deux générations. Ressemblance physique et morale d’Adélaïde Fouque]. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)