— Marchand de tableaux. Un gros homme, envelonpé dans une vieille redingote verte, très sale, qui lui donne l’air d’un cocher de fiacre mal tenu, avec ses cheveux blancs coupés en brosse et sa face rouge, plaquée de violet ; carrément planté sur ses fortes jambes, il examine les tableaux, de ses veux tachés de sang. Le père Malgras, sous l’épaisse couche de sa crasse, est un bonhomme très fin, qui a le goût et le flair de la bonne peinture; Claude Lantier reçoit souvent sa visite; jamais il ne s’égare chez les barbouilleurs médiocres, il va droit, par instinct, aux artistes personnels, encore contestés, dont son nez flamboyant d’ivrogne sent de loin le grand avenir. Avec cela, il a le marchandage féroce, il se montre d’une ruse de sauvage pour acheter à bas prix la toile qu’il convoite. Ensuite, il se contente d’un bénéfice de brave homme, vingt pour cent, trente pour cent au plus, ayant basé son affaire sur le renouvellement rapide de son petit capital, n’achetant jamais le malin sans savoir auquel de ses amateurs il vendra le soir, mentant d’ailleurs superbement [61].
Plein de ressources, il commande aux peintres besogneux des natures mortes et fournit le modèle, gigot, barbue ou homard, qu’il leur laisse pour lu peine [63]; il prête une cousine de sa femme, quand on veut bien lui en faire une académie [107]. Les millions peu solides de Naudet, le marchand à la mode, lui inspirent le plus profond dédain cl il se retire, en homme prudent, avec une très modeste fortune, une rente d’une dizaine de mille francs, qu’il s’est décidé à manger dans une petite maison du Bois-Colombes [278]. (L’Œuvre.)