Margaillan

— Un gros entrepreneur de maçonnerie, plusieurs fois millionnaire, et qui fait sa fortune dans les grands travaux de Paris, bâtissant à lui seul des boulevards entiers. Gras et court, il a la face cuite d’un sang trop chaud. Lui, sa femme et sa fille ont sur la face, au dire de Claude Lantier, tous les crimes de la bourgeoisie ; ils suent la scrofule et la bêtise [157]. Margaillan possède, au-dessus de Bennecourt, en remontant du côté de La Roche-Guyon, une vaste propriété, la Richaudière, qu’il a payée quinze cent mille francs et où il a fait des embellissements pour plus d’un million, par une vanité d’ancien gâcheur de plâtre. C’est un fier homme dans sa partie, il a une activité du diable, un sens étonnant de la bonne administration, un flair merveilleux des rues à construire et des matériaux à acheter [204].

Pendant trente ans, il a acquis des terrains, bâti, revendu, en établissant d’un coup d’œil les devis des maisons de rapport; mais, comme tous les parvenus, il a rêvé de trouver un gendre qui lui apportât, dans sa partie, des diplômes authentiques et d’élégantes redingotes. Enthousiasmé par la médaille de Dubuche, par ce jeune élève de l’Ecole des Beaux-Arts, dont les noies sont excellentes, si appliqué, si recommandé par ses maîtres, il lui donne sa fille, il prend cet associé qui décuplera les millions en caisse, puisqu’il sait ce qu’il est nécessaire de savoir pour bâtir [215]. Mais Dubuche montre une incapacité déplorable, il a des inventions coûteuses, se trompe sur la chaux, la brique, la meulière, met du chêne où le sapin doit suffire, et nu se résigne pas à couper un étage, comme un pain bénit, en autant de petits carrés qu’il le faut. Margaillan, dont les millions périclitent, finit par se révolter contre l’art et il jette son gendre à la porte de ses bureaux, eu lui défendant d’y remettre les pieds [422]. (L’Œuvre.)