— Fille cadette de Michel Fouan, dit Mouche. Orpheline à quinze ans. Elle a une petite gorge dure quise foime, une face allongée aux yeux noirs très profonds, aux lèvres épaisses, d’une chair fraîche et rose de fruit mûrissant. La peau est très brune, hâlée et dorée du soleil [5]. Le grand air et les durs travaux n’ont pas eu le temps de l’enlaidir. Françoise a le renom d’une fameuse tête, l’injustice l’exaspère; quand elle a dit : ça c’est à moi, ça c’est à toi, elle n’en démordrait pas sous le couteau. Raisonnable, très sage, sans vilaines pensées, seulement tourmentée par nu sang hâtif, elle a été élevée par Lise, leur mère étant morte, et c’est une adoration entre les deux sœurs, on les rencontre toujours ensemble.
Lorsque Buteau a abandonné Lise, dont il était l’amant, Françoise a éprouvé une grande antipathie pour lui, elle a été soulevée par une de ses révoltes d’honnêteté, comme si elle avait à venger un dommage personnel [118]. Puis, lorsque Buteau a réparé sa faute par un mariage, il a semblé à Françoise qu’on lui prenait sa sœur ; puisque celle-ci est maintenant à un autre, elle la lui laisse. Au fond, elle désire Buteau sans le savoir; sa colère n’est que de la jalousie inconsciente ; mais uniquement préoccupée du tien et du mien, elle mourrait plutôt que de partager. Le désaccord s’est accentué entre les deux sœurs. Bateau, qui les a désunies, rêve de les posséder toutes deux, d’être l’amant de sa belle-sœur pour garder tout le -bien. Et c’est une longue lutte entre lui et Françoise, celle-ci résistant à ses attaques brutales, faisant tête avec une sorte de rage, allant jusqu’à se réfugier dans un mariage avec Jean Macquart, qui l’a possédée par surprise et qu’elle n’aime pas, car elle le considère comme un ami très âgé et bonhomme [117].
Devenu son mari, Jean n’est pour elle qu’un étranger, elle se sent bouleversée à chaque rencontre avec Buteau et lorsque enfin, à vingt-trois ans, enceinte de cinq mois, presque consentante au viol, elle subit l’étreinte du mâle si longtemps repoussé, elle est emportée dans un spasme de bonheur aigu, elle serre Buteau à l’étouffer, en poussant un grand cri. La mort vient alors, dans un meurtre lâchement conçu par Lise, et, gisante, le flanc troué, assassinée par les siens, Françoise conserve dans l’agonie son profond sentiment de la famille, plus fort que le besoin de vengeance. Dans son idée puérile et têtue de la justice, elle ne veut pas laisser la terre, la maison, à son mari, à l’homme venu d’ailleurs et qui n’a fait que traverser son existence, en passant [453]. Elle meurt silencieuse, ainsi qu’une bête terrée au fond de son trou [457]. (La Terre.)
(1) Françoise Mouche mariée en 1867 à Jean Macquart. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)