Hélène Mouret

— Deuxième enfant du chapelier Mouret et d’Ursule Macquart. Née à Marseille en 1824, devient orpheline en 1840. Sœur de François et de Silvère. (La Fortune des Rougon.)

Grandjean, son premier mari, plus âgé qu’elle de six ans, s’est pris d’un grand amour pour cette belle jeune fille qui avait alors dix-sept ans et habitait avec son père à Marseille. Les Grandjean, riches bourgeois exaspérés de la pauvreté d’Hélène, ont rompu avec le jeune ménage qui végète longtemps et vivra enfin à J’aise, grâce à dix mille francs de renie, légués par un oncle du mari. Mais Grandjean, venu à Paris avec sa femme et son enfant pour s’y fixer, est enlevé par une brusque maladie. Les seuls amis qu’Hélène ait à Paris, l’abbé Jouve et Rambaud, l’installent avec sa fillette Jeanne, dans le quartier de Passy, sur les hauteurs du Trocadéro, d’où elle contemplera Paris, l’océan humain sans bornes et sans fond.

A vingt-huit ans, grande, magnifique, d’une beauté correcte, Hélène est une Junon châtaine, d’un châtain doré à reflets blonds [13]. Elle, a des yeux gris à transparence bleue, des dents blanches qui lui éclairent toute la face, un menton rond un peu fort. Saine et chaste, avec un air grave et bon, c’est une nature droite, à sang calme. Elle vit dans une paix très douce, cousant des layettes pour les pauvres de l’abbé, le recevant à dîner tous les mardis avec le bon Rambaud, n’ayant d’autre sortie qu’une promenade quotidienne de deux heures au Bois de Boulogne, avec sa fille, enfant délicate et nerveuse qui lui a voué une adoration jalouse.

Hélène a perdu depuis dix-huit mois son mari qui l’adorait, mais pour qui elle n’eut jamais qu’une amitié calme, lorsqu’une crise maladive de Jeanne la met en présence du docteur Deberle. Portée d’abord par un élan de reconnaissance vers celui qui a sauvé son enfant, rapprochée de lui par de communes visites chez une pauvresse, la mère Fêtu, puis entrée dans l’intimité des Deberle, elle se prend pour le docteur d’un profond amour, le premier amour de sa vie, qu’elle rêve d’abord chaste, mais qui, bientôt, la jettera dans les bras de Henri, frémissante, oubliant un instant sa fille, ne soupçonnant pas le terrible mal qui va emporter l’enfant.

La fin tragique de Jeanne, cette mort muette sans une plainte, ce masque sombre et sans pardon de fille jalouse [382], ébranle violemment Hélène et déchire dans sa vie la page d’amour à peine commencée. Fidèle aux conseils de l’abbé Jouve, elle épouse plus tard le fidèle et paternel Rambaud qui l’emmène à Marseille et quand, revenue deux ans après au cimetière de Passy, sur la tombe de Jeanne, elle apprend qu’un autre enfant est né aux Deberle, cette fin mélancolique la laisse sans colère, le cœur muet, les sens pleins de sérénité. (Une Page d’Amour.)

Elle vit de longues années, très heureuse, très à l’écart, idolâtrée de Rambaud, dans la petite propriété qu’ils possèdent, près de Marseille, au bord de la mer [129]. (Le Docteur Pascal.)

(1) Hélène Mouret, née en 1824; épouse en 1841, Grandjean, chétif et prédisposé à la phtisie ; en a une fille en 1843 ; perd son mari d’une bronchite en 1853; se remarie, en 1857, avec M. Rambaud dont elle n’a pas d’enfants. [Innéité. Combinaison où se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble se retrouver dans le nouvel être]. Vit encore à Marseille avec son second mari. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)