— Un grand marchand de tableaux, qui révolutionne le commerce de la peinture. Ce n’est plus le vieux jeu du père Malgras. Naudet a des allures de gentilhomme, jaquette de fantaisie, brillant à la cravate, pommadé, astiqué, verni ; grand train d’ailleurs, voiture au mois, fauteuil à l’Opéra, table réservée chez Bignon, fréquentant partout où il est décent de se montrer. Pour le reste, un spéculateur, un boursier, qui se moque radicalement de la bonne peinture. Il apporte 1’unique flair du succès, il devine l’artiste à lancer, non pas celui qui promet le génie discuté d’un grand peintre, mais celui dont le talent menteur, empli de fausses hardiesses, va faire prime sur le marché bourgeois. C’est lui qui invente Fagerolles. Il spécule sur l’ignoranceet la vanité des amateurs ; avec lui, la peinture n’est plus qu’un terrain louche, des mines d’or aux buttes Montmartre, lancées par des banquiers, et autour desquelles on se bat à coups de billets de banque [244].
Plus tard, l’ambition lui tourne la tête, il parle de couler tous les autres marchands, il a fait bâtir un palais, où il se pose en roi du marché, centralisant les chefs-d’œuvre, ouvrant les grands magasins modernes de l’art, faisant sonner des bruits de millions dès son vestibule [390]. Mais la débâcle finit par venir; baudet, dont les dépenses ont grandi avec les gains, en a été réduit à l’expédient des ventes fictives, il a culbuté dans l’outrance et les mensonges de l’agio ; maintenant les prix s’effondrent de jour en jour, c’est parmi les amateurs un affolement pareil aux paniques de Bourse, et Naudet sent crouler sous lui son hôtel royal [443]. (L’Œuvre.)