— Fille d’Aristide Rougon, dit Saccard, et d’Angèle Sicardot. Née à Plassans en 1847, elle avait quatre ans, lorsque ses parents l’ont emmenée à Paris, Angèle ayant refusé de se séparer de cette enfant [52]. En 1854, la petite Clotilde assiste à la mort de sa mère et, trois jours après, on la confie à une vieille dame qui se rend dans le Midi et qui la ramène à son oncle Pascal [76]. (La Curée.)
Chez le docteur Pascal, elle a vécu librement. A l’âge ingrat, de douze à dix-huit ans, elle a paru trop grande, dégingandée, montant aux arbres comme un garçon, puis en elle s’est dégagée une fine créature de charme et d’amour, élancée, la taille mince, la gorge menue, le corps souple. Elle a des cheveux blonds et coupés court, un exquis et sérieux profil, le front droit, l’œil bleu ciel, le nez fin, le menton ferme; sa nuque est d’une fraîcheur de lait sous l’or des frisures folles. A vingt-cinq ans, elle reste enfantine et en parait à peine dix-huit [2].
Elle n’a appris qu’à lire et à écrire; elle se fait ensuite une instruction assez vaste, en aidant son oncle qui l’emploie volontiers comme secrétaire et pour qui elle dessine des planches destinées à illustrer ses ouvrages [5]. En cette jeune fille, on retrouve l’influence maternelle par ses qualités féminines, comme par sa préoccupation du mystère et son inquiétude de l’inconnu ; mais la principale empreinte héréditaire lui vient de son grand-père, le commandant Sicardot, homme de droiture et d’énergie. Il lui a donné le meilleur de son être, le courage de la lutte, la fierté et la franchise [134].
En Clotilde, les instincts mystiques se sont développés sous l’action de la servante Martine qui l’a beaucoup menée à l’église, lui communiquant un peu de sa flamme dévote, sans que Pascal, d’esprit large et tolérant, ait rienfait pour combattre ce besoin de croire. L’aveugle foi religieuse accomplit ses ravages : Clotilde, qui a pourtant, suivant le mot de son oncle, une bonne petite caboche ronde, nette et solide, ne peut pas vivre sans illusion et sans mensonge, le mystère la réclame et l’inquiète. Elle voudrait convertir Pascal, elle rêve de détruire la pensée de son maître, d’anéantir des œuvres qui blessent sa foi catholique, elle va se faire la complice inconsciente des lâches desseins de sa grand’mère Félicité Rougon, lorsque, par le docteur au moment où elle pillait les manuscrits, elle est domptée sous son autorité virile et jetée brusquement en présence des faits, de la vérité nue, de l’exécrable réalité qui révolutionnera son être et lui donnera une terrible leçon de vie [l14].
Pascal a reconquis Clotilde; la révoltée, l’ennemie d’hier est redevenue l’élève soumise d’autrefois, elle a cessé d’aller à l’église et bientôt la mystique est définitivement vaincue par l’amour connu et satisfait. Les belles idylles de la Bible, le roi David et Abisaïg, Abraham et Agar, Ruth et Booz vont renaître entre le vieux maître et sa blonde servante. Mais les scrupules de Pascal mettent fin à cette joie délicieuse, il ne veut pas sacrifier l’adorable jeunesse de Clotilde à sa stérilité de vieillard et, par une fatalité lamentable, il meurt seul, loin d’elle, à l’heure même où elle accourt, portant en son sein l’enfant qui va naître. (Le Docteur Pascal.)
(1) Clotilde Rougon, dite Saccard, née en 1847 ; a, en 1874, de son oncle Pascal, un fils. [Élection de la mère. Hérédité en retour, avec prédominance morale et physique de son grand-père maternel, le commandant Sicardot]. Vit encore à Plassans. (Arbre généalogique des Rougon-Macquart.)