Baronne Sandorff

— Fille du comte de Ladricourt. Celui-ci étant mort ruiné, elle a dû se résoudre à épouser le vieux baron Sandorff. La baronne a une tète brune très étrange, des yeux noirs brûlants sous des paupières meurtries, un visage de passion à la bouche saignante et que gâte seulement un nez trop long. Elle semble fort jolie, d’une maturité précoce pour ses vingt-cinq ans, avec son air de bacchante habillée par les grands couturiers. Elle joue à la Bourse, c’est une joueuse âpre, enragée. Aux jours de crise, on la voit, dans sa voiture, guettant les cours, prenant fiévreusement des notes sur son carnet, donnant des ordres [22]. Apre au jeu, elle soulève toutes sortes de chicanes lorsqu’elle vient payer ses différences à la charge Mazaud [89].

L’avarice de son mari l’a amenée à prendre un amant, le procureur général Delcambre; cette liaison est pour elle une corvée abominable. Son indifférence sensuelle, le mépris secret où elle tient l’homme, se montrent parfois en une lassitude blême, sur son visage de fausse passionnée, que l’espoir du gain enflamme seul [128]. Et cette fille de sang noble, cette femme de diplomate, saluée très bas par la colonie étrangère de Paris, se promène en solliciteuse louche chez tous les gens de finance. Il y a, dans la passion du jeu, un tel ferment désorganisateur que cette créature de belle race deviendra une loque humaine, un déchet balayé au ruisseau. Elle cède à Saccard, ainsi qu’une fille, voulant pour salaire des renseignements de Bourse; elle lui donne des caresses dépravées, le traitant comme un fétiche, un objet qu’on baise, même malpropre, pour la chance qu’il vous porte [229] ; elle va ensuite s’offrir au vieux Gundermann et, roulant toujours de plus en plus bas, par les lois mêmes de la chute, elle tombe jusqu’à Jantrou, cet ancien laquais, perdu d’alcool et de vices, sur qui elle compte pour rattraper son argent perdu dans l’Universelle, et qui la bat avec une brutalité de cocher [390]. (L’Argent.)