— Fille du commandant. Mariée en premières noces à Maginot et en secondes noces à Jules Delaherche. Quand elle avait neuf ans, son père, inquiet de l’entendre tousser, l’a envoyée dans une ferme, prés du Chêne-Populeux, où elle a connu Henriette Letellier. Elle était déjà d’une coquetterie turbulente, elle jouait la comédie, voulait toujours faire la reine, drapée dans tous les chiffons qu’elle trouvait, gardant le papier d’argent du chocolat pour s’en fabriquer des bracelets et des couronnes. Plus tard, elle reste la même, lorsque, à vingt ans, elle épouse un inspecteur des forêts, Maginot. Méziéres lui déplaisant par sa tristesse, elle continue d’habiter Charleviile, dont elle aime la vie large, égayée de fêtes. Son père est mort, Maginot est un mari pacifique, Gilberte jouit d’une liberté entière. Dans le flot d’uniformes où, grâce aux anciennes relations paternelles, elle a vécu à cette époque, son seul amant a été le capitaine Beaudoin. Sans méchanceté perverse, adorant simplement le plaisir, elle a cédé à son irrésistible besoin d’être belle et gaie [262]. En 1869, devenue veuve, et malgré les histoires qu’on chuchote sur son compte, elle trouve un second mari, Jules Delaherche.
Grande, l’air souple et fort, avec de’ beaux cheveux noirs, de beaux yeux noirs, et pourtant très rose de teint, la mine rieuse, un peu folle, Gilberte va traverser la guerre, elle verra les horreurs de l’ambulance et restera toute à sa joie, elle gardera son air d’oiseau qui secoue les ailes même sous l’orage. Et, malgré la surveillance de madame Delaherche mère, elle couche gentiment, la veille de Sedan, avec son ancien ami Beaudoin, trouvant naturel de faire un dernier cadeau de plaisir à l’ami qui va se battre [261]. Pendant l’occupation, elle se montre aimable pour le capitaine de
Gartlauben, de la landwehr, elle coquette avec lui comme elle faisait autrefois, à Charleville, avec les officiers français, et, dans un besoin de se partager, ne se contentant pas d’amuser la vanité du Prussien, elle est la maîtresse du jeune Edmond Lagarde, si brave, si joli, à qui elle n’a pas pu se refuser [561]. (La Débâcle)